Journal de voyage de Denis de Rougemont à Paris (16 au 20 janvier 1951)
[fr] Dans ces notes de voyage, l’écrivain Denis de Rougemont (1906-1985), directeur du Centre européen de la culture (CEC), indique qu’il a rencontré le physicien Pierre Auger (1899-1993), directeur de la section des sciences naturelles et exactes de l’Unesco, et Louis Joxe (1901-1991), directeur général des Affaires culturelles au Quai d’Orsay, dans le cadre de ses démarches visant à mettre en place un laboratoire européen de physique nucléaire. Il constate que l’Unesco refuse de patronner le bureau d’études avec le CEC tant qu’aucune convention officielle n’a été signée. Le gouvernement français hésite à financer un organisme privé comme le CEC. Rougemont envisage une solution : obtenir la reconnaissance du Centre par le Comité des ministres du Conseil de l’Europe via une entente avec son Comité d’experts, ce qui permettrait de conclure une convention avec l’Unesco.
[de] In diesen Reiseaufzeichnungen berichtet der Schriftsteller Denis de Rougemont (1906— 1985), Direktor des Centre européen de la culture (CEC), dass er sich mit dem Physiker Pierre Auger (1899— 1993), Direktor der Abteilung für Natur- und exakte Wissenschaften der Unesco, sowie mit Louis Joxe (1901— 1991), Generaldirektor für kulturelle Angelegenheiten im französischen Außenministerium, getroffen hat. Diese Gespräche erfolgten im Rahmen seiner Bemühungen, ein europäisches Labor für Kernphysik zu schaffen. Rougemont stellt fest, dass die Unesco sich weigert, das Studienbüro gemeinsam mit dem CEC zu fördern, solange keine offizielle Vereinbarung unterzeichnet ist. Auch die französische Regierung zögert, eine private Einrichtung wie das CEC zu finanzieren. Rougemont erwägt eine Lösung: die Anerkennung des Zentrums durch das Ministerkomitee des Europarates über eine Vereinbarung mit dessen Expertenausschuss, was den Abschluss einer Konvention mit der Unesco ermöglichen würde.
[it] In questi appunti di viaggio, lo scrittore Denis de Rougemont (1906— 1985), direttore del Centre européen de la culture (CEC), riferisce di aver incontrato il fisico Pierre Auger (1899— 1993), direttore della sezione di scienze naturali ed esatte dell’Unesco, e Louis Joxe (1901— 1991), direttore generale degli Affari culturali al Quai d’Orsay, nel quadro delle sue iniziative per istituire un laboratorio europeo di fisica nucleare. Constatò che l’Unesco rifiutava di patrocinare l’ufficio studi con il CEC finché non fosse stata firmata una convenzione ufficiale. Anche il governo francese esitava a finanziare un organismo privato come il CEC. Rougemont ipotizzava una soluzione: ottenere il riconoscimento del Centro da parte del Comitato dei ministri del Consiglio d’Europa tramite un accordo con il suo Comitato di esperti, permettendo così la stipula di una convenzione con l’Unesco.
[en] In these travel notes, writer Denis de Rougemont (1906— 1985), director of the Centre européen de la culture (CEC), records meetings with physicist Pierre Auger (1899— 1993), director of the Natural Sciences Division at Unesco, and Louis Joxe (1901— 1991), Director-General for Cultural Affairs at the French Foreign Ministry. These meetings were part of his efforts to establish a European nuclear physics laboratory. He notes that Unesco refused to co-sponsor the study bureau with the CEC as long as no official convention had been signed. The French government also hesitated to fund a private body such as the CEC. Rougemont considered a possible solution: securing recognition of the Centre by the Committee of Ministers of the Council of Europe via an agreement with its Committee of Experts, which would make it possible to conclude a convention with Unesco.
Entrevue avec M. Pierre Auger à l’Unesco
La résolution sur le cosmotron est à discuter au comité exécutif de l’Unesco qui siège ces jours-ci. Des difficultés ont surgi de divers côtés.
- M. Torres Bodet déclare ne pouvoir accepter le patronage conjoint du Centre et de l’Unesco pour le bureau d’études, tant que nous n’avons pas passé une convention de l’Unesco. Il a fait rédiger un rapport par M. Blonay, fixant les cinq critères auxquels doit répondre le Centre pour passer une telle convention.
- D’autre part, le gouvernement français hésite à verser la somme prévue, qui n’est qu’une avance sur la cotisation française, à un organisme privé comme le Centre, qui sera peut-être incapable de garantir le remboursement éventuel. M. Torres Bodet en conséquence demande à son comité exécutif l’autorisation de toucher des sommes (sans en indiquer l’origine) pour financer le Bureau d’études.
- L’Unesco vient de passer convention avec le Comité des Experts du Comité des ministres du Conseil de l’Europe. Ce Comité n’ayant pas d’organe d’exécution demande à l’Unesco de réaliser le programme fixé à Strasbourg par les Experts. Il semble agir au nom du Conseil de l’Europe dans son ensemble. Je conseille à Auger d’aller de l’avant avec le Bureau d’études en attendant que nous ayons clarifié la situation avec M. Paris, et en réservant les droits de patronage du Centre.
Entrevue avec M. Joxe, directeur général des Affaires culturelles au Quai d’Orsay
M. Joxe m’a demandé au téléphone s’il était exact que j’assisterais au prochain Comité des Experts à Strasbourg. Puis m’a prié de venir le voir. Je comprends qu’il souhaite que « je me trouve à Strasbourg au moment de la réunion des Experts, afin d’agir indirectement comme je l’ai fait jusqu’ici ». Il paraît souhaiter sincèrement une clarification de la situation décrite dans l’entrevue Auger, il reconnaît que son Comité d’Experts n’a aucun moyen d’exécution. Il craint surtout des doubles emplois, ou plutôt comme je crois le comprendre, des initiatives ou des créations qui se prendraient en dehors du contrôle des Experts. (Exemple cité par Joxe : Bruges). Je lui dis que j’éclaircirai la situation avec M. Paris. Il lui parlera de son côté.
N. B. Il semble que la solution doive être cherchée dans une entente avec le Comité des Experts, afin que celui-ci propose la reconnaissance du Centre par le Comité des ministres ; après quoi il sera possible de passer une convention entre le Centre et le Conseil de l’Europe analogue à la convention passée entre l’Unesco et les Nations unies. Ceci fait, la convention des Experts avec l’Unesco pourrait être étendue automatiquement au Centre.