Lettre de Denis de Rougemont à Pierre Auger (26 juin 1951)

[fr] Dans cette lettre, l’écrivain Denis de Rougemont (1906-1983), directeur du Centre européen de la culture (CEC), remercie le physicien Pierre Auger (1899-1993) pour son rapport provisoire à l’Unesco, dont il dirige le département des sciences exactes et naturelles, sur le projet de laboratoire européen de physique nucléaire, mais regrette l’absence de toute référence au rôle du CEC à la résolution adoptée à Genève le 12 décembre 1950 et au programme de coopération envisagé avec l’Unesco. Il demande que cette omission soit corrigée, au nom d’une reconnaissance morale du travail accompli par le Centre.

[de] In diesem Schreiben dankt der Schriftsteller Denis de Rougemont (1906— 1985), Direktor des Centre européen de la culture (CEC), dem Physiker Pierre Auger (1899— 1993) für seinen vorläufigen Bericht an die Unesco, deren Abteilung für Natur- und exakte Wissenschaften er leitet, über das Projekt eines europäischen Labors für Kernphysik. Gleichzeitig bedauert er das völlige Fehlen jeglicher Bezugnahme auf die Rolle des CEC bei der in Genf am 12. Dezember 1950 verabschiedeten Resolution sowie auf das geplante Kooperationsprogramm mit der Unesco. Er bittet darum, diesen Mangel zu beheben — im Namen einer moralischen Anerkennung der vom Zentrum geleisteten Arbeit.

[it] In questa lettera, lo scrittore Denis de Rougemont (1906— 1985), direttore del Centre européen de la culture (CEC), ringrazia il fisico Pierre Auger (1899— 1993) per il suo rapporto provvisorio all’Unesco, di cui dirige il dipartimento di scienze esatte e naturali, sul progetto di un laboratorio europeo di fisica nucleare. Tuttavia, esprime rammarico per l’assenza di qualsiasi riferimento al ruolo del CEC nella risoluzione adottata a Ginevra il 12 dicembre 1950 e al programma di cooperazione previsto con l’Unesco. Chiede che tale omissione venga corretta, in nome di un riconoscimento morale del lavoro svolto dal Centro.

[en] In this letter, writer Denis de Rougemont (1906— 1985), director of the Centre européen de la culture (CEC), thanks physicist Pierre Auger (1899— 1993) for his provisional report to Unesco— where he heads the Department of Natural and Exact Sciences— on the project for a European nuclear physics laboratory. However, he expresses regret over the complete omission of any reference to the role of the CEC in the resolution adopted in Geneva on 12 December 1950, as well as to the planned cooperation programme with Unesco. He requests that this omission be corrected, in the name of moral recognition for the work accomplished by the Centre.

Genève, le 26 juin 1951

Cher Monsieur,

Je vous accuse réception du rapport provisoire concernant le projet de Laboratoire européen de physique nucléaire, destiné à la Conférence générale de l’Unesco, et vous remercie de nous l’avoir communiqué.

La résolution adoptée à Genève, et conjointement rédigée par vous et de Dadelsen, spécifiait que le moratoire européen de physique nucléaire serait créé « conformément aux vœux de l’Unesco et du Centre européen de la culture, et en relation avec leurs secrétariats ». D’autre part, selon notre compte rendu analytique, vous avez déclaré à la réunion de Genève que M. Torres-Bodet vous avait prié :

  1. d’obtenir les conseils de la Commission (réunion au Centre),
  2. d’aboutir à un programme précis de collaboration entre l’Unesco et le Centre européen de la culture sur cette question.

Tout en me félicitant de voir que l’idée lancée au congrès de Lausanne et mise en forme lors de notre réunion à Genève, progresse vers sa réalisation, je m’étonne de constater que dans le rapport soumis à l’Unesco, vous ne faites aucune mention de l’initiative du Centre, ni de la résolution votée à Genève, qui est à la base de votre rapport, ni enfin du programme précis de coopération prévue entre l’Unesco et le Centre de Genève.

Il est possible que, pour établir ce programme de coopération, une convention entre l’Unesco et le Centre soit nécessaire. Il ne saurait en être de même en ce qui concerne la mention de notre initiative et du travail effectué par la Commission de coopération scientifique du 12 décembre, à Genève.

J’espère qu’il n’est pas trop tard pour que, par vos soins, cette omission soit corrigée. Le Centre européen de la culture n’attend de son initiative qu’un bénéfice moral, mais il y tient, et compte sur vous pour que son rôle soit équitablement reconnu.

Vous apprécierez, j’en suis sûr, les motifs qui m’ont incité à vous adresser cette lettre directement, au lieu de saisir de la question le directeur général de l’Unesco.

Veuillez agréer, cher Monsieur, l’expression de mes sentiments distingués.

Denis de Rougemont